Des aspects inattendus dans l’Histoire de Madagascar


Le n°50 de la revue de l’Audecam, Recherches pédagogie et culture de janvier 1981, est consacré à Madagascar et s’intitule Regards sur l’histoire de Mada­gascar. Charles Ravoajanahary, enseignant-chercheur, qui préface le document, explique les raisons de ce numéro spécial, composé par une équipe d’historiens de l’Établissement d’enseignement supérieur des Lettres. «Finis donc les contes merveilleux de l’Ile Rouge, ou de l’Ile Heureuse sans histoire ou à histoire, domaine réservé des voyageurs en quête de récits extraordinaires ou de quelques spécialistes de l’historie de la colonisation », écrit-il. Selon les présentateurs de ce numéro spécial, le constat est inattendu pour les non-spécialistes. Ils reviennent sur les sources dont disposent alors les chercheurs, auteurs de ce grand dossier. Et «apparemment», elles sont nombreuses et variées, mais nécessitent un gros travail. « Il faut les revoir, les réinterpréter à partir des différents faits nouveaux découverts ultérieurement, revoir aussi les traductions de certains récits, enfin tenir compte des traditions orales disponibles. » La récolte est fructueuse. Lucile Rabearimanana et Vincent Belrose-Huygghues parlent des problèmes que doivent affronter les chercheurs. Car si, comme l’affirme Simon Ayache, le XIXe siècle est un domaine «privilégié» du fait de nombreux documents forts intéressants à disposition des chercheurs et d’excellents historiens malgaches et étrangers, par contre, du XIVe au XVIIIe siècle le champ de recherche est encore en friche. De ce constat, ressort aussi quelque chose d’inattendu, ajoutent les présentateurs de l’ouvrage, surtout dans l’histoire de la christianisation des Malgaches. «Il était classique pour ceux-ci de dire et de croire que les Français étaient catholiques et les Anglais protestants. Souvent, on ne cherchait pas à approfondir cette donnée. » Pourtant, Pietro Lupo révèle qu’en dehors de l’opposition ouverte et affichée entre missionnaires catholiques et protestants, des dialogues entrainent, à l’insu des Malgaches, des collaborations. « Ces missionnaires étaient, en quelque sorte, les précurseurs de l’œcuménisme actuel et en avance d’un siècle sur Vatican II. » Il est vrai aussi que, dans leur sagesse séculaire, les Malgaches «ne s’en laissent pas compter»! N’existe-t-il pas un dicton à l’adresse des Blancs: «Manao Vazaha mody miady», ou «Faire semblant de se battre comme les Blancs ». Inattendu aussi l’apport des Tafasiry sakalava présentées par Éléonore Nérine. Ces trésors de la littérature orale traditionnelle véhiculent le savoir légué par les ancêtres et rappellent la conception du Monde et de la société des anciens malgaches. Inattendue encore et combien importante la leçon que Jean-Pierre Domenichini tire de l’analyse très serrée des traditions orales de l’Imerina. À travers L’Histoire des Rois- souvent décriée- apparait, pour celui qui veut et qui sait voir, l’évolution et l’organisation de la société. Car cette histoire célèbre moins la grandeur des souverains que le rôle de membres de la noblesse et encore plus celui des roturiers. Ainsi proposer ces Regards sur l’Histoire de Madagascar signifie aussi «que l’on possède et maitrise son Histoire». Les présentateurs de l’ouvrage évoquent ainsi les différentes lectures de l’histoire que Faranirina Voahangy Esoavelo­mandroso révèle, à partir des quelques réflexions sur le mouvement Vy-Vato-Sakelika. «Il est vrai, là aussi, que nous ne possédons pas encore tous les documents, toutes les données concernant cette affaire et qu’il ne nous est pas encore possible de savoir les différents intérêts en jeu. » Pour sa part, dans son article sur la vie politique des années 50, Lucile Rabearimanana, en parlant des luttes des nationalistes pour recouvrer l’indépendance de ce pays en un combat inégal, fait comprendre à ses différents responsables, la nécessité et même l’obligation de mieux connaitre l’histoire. « Elle nous rappelle cette phrase de Marc Bloch : L’incompré­hension du présent nait fatalement de l’ignorance du passé. » Enfin, concluent les présentateurs, l’un de ces regards est le magistral article de Manassé Esoavelomandroso. « C’est l’histoire de la formation de notre nation à partir du village, c’est-à-dire de l’homme malgache. »
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