Un gouvernement merina sous contrôle français


La question que se posent les Français en 1895 est de savoir s'il faut établir un protectorat basé sur le gouvernement merina ou plusieurs protectorats en fonction des grandes peuplades dont ils estiment le nombre entre 10 et 12. A. Martineau cite notamment l'exemple des Sakalava, fidèles alliés des Français, mais qui sont encore dans l'impossibilité d'avoir un gouvernement ordonné et responsable. Pourtant, cette seconde hypothèse n'est pas très efficace. Selon l'auteur, en optant pour la formule multi-protectorat, les Français devront tôt ou tard revenir à celle d'un gouvernement unique. Plutôt que de se lancer « dans les expériences inutiles et les considérations de sentiment qui font plus de mal (…) créons tout de suite une organisation qui dure ». C'est-à-dire un protectorat sous la domination merina, mais « sous notre contrôle souverain et tout puissant » où les impôts rentrent, la justice est rendue, la police assurée. A. Martineau, comme les résidents français, réfute cependant- une fois de plus- le fait que les Sakalava sont des alliés et des amis de la France. Il rappelle qu'avant 1895, les habitants du Nord-ouest, de la pointe d'Ambato à Anoro­tsangana, déclarent volontiers leur amitié à la France, mais dans l'espoird'obtenir protection contre les Merina. Et une fois ceux-ci vaincus, ils se retournent contre leurs protecteurs. À l'intérieur des terres, les Sakalava ne connaissent pas la France. L'explorateur Gautier demande un jour à l'un des chefs établis dans la vallée de la Mahajamba, ce qu'il pense du traité franco-merina de 1885 et de la politique française à Madagascar: il ignore cette convention. Quant à la France, il en entend parler pour la première fois. En réalité, en 1895, les services rendus par les Sakalava aux Français sont réduits. Ainsi, les rois de la baie d'Ampasindava refusent de leur donner des porteurs et des convoyeurs, arguant qu'ils ne veulent pas se compromettre vis-à-vis des Merina. Ils ajoutent qu’ils craignent que les Français ne les abandonnent à ces derniers quand, une fois de plus, ils décideront de quitter la Grande terre. Les chefs sakalava ne donnent pas non plus des volontaires, même « s'il est vrai qu'il existe dans le corps expéditionnaire un bataillon de tirailleurs sakalava constitué à Diego-Suarez depuis plusieurs années ». Mais selon un journal réunionnais du 16 janvier 1895, dans ce bataillon « l'élément sakalava a presque disparu pour céder la place à l'élément comorien, aujourd'hui prépondérant au point de vue numérique ». Les Sakalava ne dépassent pas une centaine d'hommes et encore, ils sont recrutés dans la possession française de Nosy Be et non sur la Grande terre. Tout au moins le contingent est très faible. A. Martineau apporte même une précision: « Les quelques Sakalava enrôlés sous nos drapeaux sont plutôt des Macquois (Makoa) que des Sakalava proprement dits. Les Macquois sont des nègres de la côte du Mozambique, transportés à Madagascar comme esclaves et devenus libres dans la suite; ils sont surtout répandus entre la baie d'Ambavatoube et Majunga. Ce sont des Africains, ce ne sont pas des Malgaches. On a pourtant annoncé que les Sakalaves nous avaient puissamment aidés après la prise de Marovoay et les appréciations flatteuses ne leur ont pas été ménagées. On voit à quoi se réduit leur concours. » A. Martineau poursuit sa critique en parlant de la « soumission» des chefs sakalava au général Metzinger. Il s'agit de chefs « dont l'autorité est réduite et qui, comme le prince Salim (avant d'être chef politique, il était contremaitre chez Suberbie) veut tirer bénéfice du passage de la colonne française dans le Boeny et en obtenir de beaux lamba et quelque menue monnaie ». Et de conclure: « Avant de faire acte de vasselage, les chefs sakalava ont attendu nos succès. Ils ont fait acte de soumission après le passage de nos troupes et non pas avant que nous touchions leur territoire, de telle sorte qu'ils n'ont apporté au général Metzinger aucun concours politique. En réalité, ils se sont inclinés devant les faits accomplis. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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