Un vaste royaume aux frontières indéterminées au XVIIIe siècle


René-Louis Ader, dans son Esquisse d’une histoire de Tuléar, fait deux remarques dans sa mise au point des origines de la ville de Toliara, jusqu’en 1897. Dans la première, il se réfère aux textes de Thornton, Hemmy, Dr Edouard Yves et L. Fort de Carthagène, cités par Alfred Grandidier. Il en ressort que les navires continuent de toucher Saint-Augustin (pour avoir de l’eau, du bois) et détachent une barque et des cadeaux pour obtenir du King Baba Ratsimandresy à Toliara, le droit d’ancrage et de commerce. Le roi est représenté à Saint-Augustin par son Prince de Galles, le Prince William qui peut traiter pour des vivres, mais n’a pas pouvoir pour des affaires plus importantes, en particulier les esclaves. « Cette pratique qui n’était pas signalée auparavant, laisse penser que les rois de Tuléar avaient étendu leur autorité sur les deux rives de la baie de Saint-Augustin, sans doute au détriment d’une dynastie Mahafaly. » Dans sa deuxième remarque, René-Louis Ader ne pense pas que les rois de Toliara aient eu une capitale fixe. Ils résident tantôt à Mahavatsy, tantôt à Miary, donc assez près de la rade de Toliara, tantôt ailleurs, en particulier à Manombo, même si leur autorité couvre l’ensemble du pays entre l’Onilahy et le Mangoky. Il apporte une preuve. Quand le navire anglais Winterton fait naufrage en 1792, près de la baie des Assassins sur le littoral Mikea, les rescapés sont conduits auprès du roi de Toliara qui leur offre l’hospitalité dans l’attente d’un navire britannique. « S’il y avait eu une autre autorité royale dans la région de Morombe, plus proche du lieu du naufrage, il est probable que les naufragés auraient été conduits vers elle. Le Mangoky servait donc de limite entre le Menabe et les Antefiherenana. » À l’Est, René-Louis Ader mentionne n’avoir aucune idée des limites du royaume. Comme en ce XVIIIe siècle où de nombreux mémoires sont écrits sur Madagascar, peu ont rapport avec le Sud-ouest. Et parmi ces textes, rares sont ceux qui touchent Toliara et ses habitants. D’où la question : où se situe exactement Toliara ou Ankatsoaka ? Thornton, Hemmy et Fort de Carthagène soutiennent que la localité ne donne pas directement sur la côte, c’est-à-dire sur le mouillage des navires dont le lieu n’est pas non plus précisé. S’agit-il du port actuel un peu au sud, ou à Mahavatsy? Ou encore au nord, à l’actuelle Batterie, ou au village d’Ambatonosy… Quoiqu’il en soit, dans les rapports de voyageurs de l’époque, il y a « peu de choses » à en tirer. La région fournit principalement des citrons et du riz, sans compter les bœufs, les poules, les pois… Faute de données assez nombreuses, il est difficile de parler des prix des produits. Cependant, se basant sur les marchandages de 1741, lors de la venue du De Brack, René-Louis Ader estime possible de suggérer leurs prix définitifs. Ainsi, un jeune bœuf, un veau ou une vache coûterait six piastres, une chèvre une piastre. Pour le même prix, on aurait huit poulets, ou 58 œufs, ou 100 citrons, tandis qu’un esclave s’échangerait contre deux mousquets, pierres et poudre. Si le panel des produits est mince, l’auteur en conclut deux faits. D’une part, en comparant les prix de Toliara avec ceux pratiqués sur la côte Est, les premiers sont, dans l’ensemble, plus élevés pour les vivres, mais moins pour les esclaves. D’autre part, on peut constater que pour les veaux, les citrons et les poulets, les prix sont au même niveau qu’au XXe siècle, les chèvres étant moins chères et les œufs plus coûteux. Si c’est ainsi au XVIIIe siècle, au cours du XIXe siècle des sources de l’histoire de Toliara se font plus nombreuses, les détails plus abondants, mais « l’évolution générale est plus compliquée ».
Plus récente Plus ancienne