Partisans et adversaires des nains s’affrontent


Les Notes terminent avec les opinions de certains voyageurs, ethnologues et autres scientifiques sur les Pygmées du Sud malgache. Citons Commerson (lire précédente Note) qui estime « que la diminution de taille par rapport à celle du Lapon, est peu à peu graduée comme du Lapon au Quimos ; l’un et l’autre habitent des zones plus froides et les montagnes les plus élevées de la terre. Celles de Madagascar où habitent les Quimos, ont 16 à 18 toises de hauteur au dessus du niveau de la mer. Les végétaux qui croissent naturellement sur ces grandes hauteurs, ne semblent être que des avortons comme le pin et le bouleau, et tant d’autres qui, de la classe des arbres, passent à celle des plus humbles arbustes, par la seule raison qu’ils sont devenus alpicoles, c’est-à-dire des hautes montagnes ». Au XVIIIe siècle, on parle tellement des Pygmées malgaches que le Dr Munier, connu, par ailleurs, par un Mémoire sur l’état sanitaire sur la côte Est (J.C. Hébert), entreprend un voyage d’exploration. Toutefois parvenu dans la vallée d’Ambolo, il manque se faire tuer et revient sur ses pas, vers Fort Dauphin. Le peu qu’il ait écrit sur la question, dit Hébert, réside en une phrase dans une lettre datée de mars 1770 : « Je formai le projet d’aller découvrir une race particulière d’hommes appelés Quimos qui habitent dans l’intérieur de l’ile. » Pour sa part, Le Gentil, astronome du roi, venu observer dans l’océan Indien le passage de Vénus sur le disque solaire, consacre quelques pages de son ouvrage sur ce phénomène à critiquer la thèse de Commerson. Barthélémy Huet de Froberville les reproduit dans son Grand Dictionnaire. En fait, Le Gentil s’étonne que ni Commerson ni Maudave, qu’il connait pourtant très personnellement et qu’il rencontre à leur retour de Fort Dauphin, à l’Ile de France (Maurice), ne lui aient jamais parlé de ces Pygmées. Sa critique est sévère, notamment à l’encontre de Commerson qui « n’avait vu ni les Pygmées ni les hautes montagnes dont il parle ». Il conclut de manière catégorique son opinion : « Il est faux qu’il y ait à Fort Dauphin une tradition de Pygmées actuellement existant à Madagascar. Il est également faux qu’il y ait une notion généralement répandue dans tout Madagascar de l’existence actuelle de prétendus Quimos. » Cependant, commente Hébert, partisans et adversaires de l’existence d’un peuple nain n’en continuent pas moins de s’affronter. Ainsi, dans son « Mémoire relatif à l’Isle de Madagascar », lu à l’Institut de France, le 4 septembre 1800, Lescalier critique l’ouvrage de Raynal tant sur la culture du riz qui n’est pas « si brute et sauvage » que sur l’existence des Quimos. En effet, il est nommé en 1791, parmi les quatre commissaires civils pour les Établissements français situés au-delà du cap de Bonne-Espérance. Il écrit en substance : « Une autre de ses erreurs sur l’ile de Madagascar est celle de l’existence prétendue d’un peuple appelé Quimosses. » Il précise qu’un tel peuple n’existe pas, mais plutôt « quelques individus nains et mal conformés par accident, dans certaines contrées et dans différents endroits, sans former un corps de peuple difforme et disgracié de la nature ». Mais selon Hébert, Lescalier ne quitte par la côte et reste peu de temps à Foulpointe pour s’en faire une idée. En, revanche, Fressanges a l’avantage de s’avancer plus dans l’intérieur jusque dans l’Ankay, à trois journées de marche de la côte. Dans son Voyage à Madagascar, il parle des habitants de l’Andrantsay qui sont des peuples pasteurs « brutes et lâches ». Il ajoute : « Ils sont le jouet des Ancoves qui leur font la guerre pour avoir des esclaves. Quand ils veulent repousser leurs ennemis de chez eux, ils leur offrent des troupeaux en forme de tribut, rachetant par là leur liberté. » Mais se référant aux indications données par les traitants, Fressanges se rend compte que ces nains ne se trouvent pas dans la province d’Andrantsay. D’ailleurs, il mentionne qu’il n’entend jamais prononcer le mot Quimos dans tout Madagascar et que si, par les jeux de la nature, il nait un nain, les autochtones l’appellent « Zaza coute coute » ou homme-enfant, « Zazakoto » pour Jean Valette. Pour conclure Hébert suggère que Fressanges doit avoir mal entendu le mot « Zaza-voatrotroka » signalé par Chapelier (Zaza voué toutouc) et Rondeaux (Zaza vouatoutoucque). Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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