La dictature pointe son nez - L'AGOA et les fonds des bailleurs hypothéqués


Journée cruciale à l'Assemblée nationale. Les parlementaires passeront au vote le nouveau code de la com­munication. C'est le début des dérives dictatoriales d'un pouvoir aux abois. Un tournant dans l'histoire de Madagas­car. Ce jour pourrait être aussi crucial que celui où on avait perdu l'indépendance le 6 août 1896. Sauf contre ordre ou miracle, les députés voteront le code de la communication qui mettra fin à la liberté de la presse en général et à la liberté d'expression de tout citoyen en particulier. Hier, la dernière tentative des journalistes d'expliquer aux députés les dangers de ce code et de leur demander d'ajourner le  vote, a échoué. Aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé  après de longues heures d'attente et de discussions. Ce code est taillé sur mesure pour permettre au pouvoir de commettre ses forfaits sans être inquiété outre mesure. La presse et les médias qui oseront soulever les incartades du pouvoir comme les dépenses exubérantes dans l'achat de voitures blindées, d'hélico, d'ambulance hôpital (alors que les hôpitaux publics n'en ont pas), de robe de luxe ornée d’un d'ananas, s'exposent à des peines de prison et de lourdes amendes. La récidive est sanctionnée de confiscation de matériel de diffusion ou d'impression et de fermeture définitive de l'organe de presse. Fin de la démocratie On n'a pas non plus le droit de soulever la corruption dans les institutions comme la Justice, la gendarmerie, le détournement de fonds dans les ministères, de dénoncer les trafics en tous genres, de parler de la dépréciation de la monnaie nationale, d'interpeller des responsables défaillants, des services ou des agents de l'État. En clair, la presse doit brosser l'État dans le sens du poil tous les jours et la moindre critique risque de coûter des années de prison. « Les médias, dans un pays démocratique, ont pour vocation principale de veiller à la défense des droits fondamentaux des citoyens et de dénoncer toute velléité d'intimidation à leur encontre », rappelle le Groupement des éditeurs de presse d'information et multimédia de Madagascar dans un communiqué. Mais la presse n'est pas le seul à subir les effets néfastes de ce code  assorti de la loi sur la cybercriminalité qui anéantit la liberté individuelle, base de la démocratie. Les peines encourues en cybercriminalité sont plus sévères que celles d'un homicide ou d'un viol collectif. La balle est dans le camp des députés qui ont entre leurs mains la survie de la démocratie et l'avenir du pays. L'acte qu'ils vont commettre sera très lourd de conséquence et va au-delà du simple plaisir de saquer les journalistes, dont certains, il est vrai, ne sont pas exempts de tout reproche. Si ce code est voté à Tsimbazaza ce jour, Mada­gascar entrera dans une ère totalitaire, prendra la voie de la dictature. Une option dont les députés et les sénateurs endosseront seuls la responsabilité. Tous les efforts consentis depuis 2014 risquent d'être anéantis par ce vote insensé. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que la communauté internationale verrait d'un très mauvais œil l’adoption de ce code. L'AGOA suspendu après le coup d'État de 2009 risque à nouveau d'être remis en cause pour un pays sans liberté de presse. Les subventions internationales des bailleurs de fonds traditionnels ont aussi de fortes chances d'être mises en suspens. La liberté de la presse et la liberté d'expression sont des conditions sine qua non de déblocage de ces fonds. Le FMI pourrait revoir sa position dès ce mois de juillet lors de l'assemblée générale  de son conseil d'administration où le cas de Madagascar sera justement discuté. Comment peut-il accorder sa confiance à un pays qui tient de beaux discours lors de sa dernière mission et vote une loi anti-démocratique quinze jours après Il n'y a donc pas que l'avenir de la presse et des médias qui est en jeu dans ce « code des 209 articles ». Il peut impacter sur toute la vie sociale et économique du pays  comme le soulève le Gepimm. «Nous invitons également le secteur privé, déjà fortement touché par d'autres textes portant atteinte au climat des investissements, à faire preuve de vigilance par rapport à ce code liberticide». Eh oui, on fait d'un code plusieurs coups, tous mortels. La Rédaction
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