Richard Yung - « Il y a un réchauffement dans nos relations bilatérales »


Sénateur représentant les Français hors de France, Richard Yung est en tournée à Madagascar. Avant son départ, jeudi, il a brassé les axes de son séjour aux micros de Radio France Madagascar (RFM), et a répondu aux questions de l’Express de Madagascar. Une descente sur terrain où l’insécurité aura été le souci principal de ses compatriotes, surtout, les opérateurs économiques. Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la Chambre haute française, le parlementaire parle, par ailleurs, d’une nouvelle phase dans les relations bilatérales entre la Grande île et l’Hexagone. [caption id="attachment_78166" align="alignleft" width="300"] Le nombre de Français
a diminué d’environ trois
ou quatre mille en dix ans[/caption] L’Express de Madagascar. Vous avez un lien particulier avec la Grande île. Pourriez-vous nous dire ce qui vous rapproche de Madagascar ? Richard Yung. Il y a plusieurs éléments. Le premier qui remonte dans le temps, c’est que j’y ai passé ma première et même ma seconde jeunesse, puis-je dire à Madagascar, notamment, à Antananarivo, puisque j’ai été de 5 à 20 ans, étudiant dans la capitale. Evidemment, cela laisse des souvenirs. Deuxièmement, je suis sénateur des Français hors de France donc, je m’occupe aussi, des Français à Madagascar qui est une communauté importante. Nous avons officiellement seize mille, probablement vingt-deux ou vingt-trois mille Français, franco-malgaches à Madagascar, avec un certain nombre de problèmes à résoudre. Pouvez-vous nous parler brièvement du programme durant votre séjour à Madagascar ? Nous avons commencé par une visite à Toliara. Il s’agit d’une visite en commun avec les conseillers consulaires, pour voir la communauté française, l’école française, l’agence consulaire française. Nous sommes ensuite revenus à Antananarivo, où j’ai fait une visite approfondie au consulat de France. J’ai eu une réunion de travail avec les responsables du réseau d’enseignement français à Madagascar. Nous avons un certain nombre de réformes prévues en la matière. J’ai également eu l’occasion de rencontrer la communauté française durant une réception à la résidence de France. Ensuite, il y a eu une réunion économique lors de ma rencontre avec les conseilleurs du commerce extérieur, les représentants des entreprises, des grandes entreprises françaises. Après, nous sommes allés voir l’Agence française de développement (AFD). Quels sont les grands axes de travail de la majorité présidentielle concernant les Français de l’étranger ? Le point le plus important, je pense, c’est le développement du réseau de l’enseignement des écoles françaises à l’étranger. L’objectif étant de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030, c’est-à-dire de passer de cinq-cent mille élèves dans le monde, à un million. C’est une ambition forte qui nécessite la mobilisation de beaucoup de moyens. (…) Il faudra établir des cahiers des charges de ces établissements en matière de pédagogie et d’enseignement. Peut-être des politiques de prix, également, s’ils veulent pouvoir bénéficier, entre autres, de certaines aides du gouvernement, notamment, dans la formation des maîtres. Il faudra également doubler le nombre des maîtres. Que pensez-vous de la diminution du nombre de Français résidents à Madagascar, durant cette dernière décennie ? C’est vrai que le nombre de Français a diminué d’environ trois ou quatre mille en dix ans, en particulier durant les années difficiles que le pays a connues, autour de 2009 et 2010. Je pense que la crise politique, le climat d’insécurité et de violence font qu’un certain nombre de Français, surtout de familles ne se sentent pas très à l’aise et préfèrent s’en aller. J’espère que le nouveau climat qui est en train de se développer après l’élection du nouveau Président dans d’excellentes conditions de démocratie, sera propice au retour dans la Grande île, des Français et des personnes d’autres nationalités d’ailleurs. Clairement, la coopération entre la France et Madagascar va se développer de façon plus forte que çà a été le cas dans le passé. Le président Rajoelina est invité officiellement, pour une visite à Paris. Il y aura probablement des échanges de visite de nos ministres des Affaires étrangères et d’autres ministres. Lors d’un précédent entretien, l’an dernier, vous aviez déjà soulevé le problème de l’insécurité. C’était notamment à l’issue de votre rencontre avec les opérateurs économiques français. Un an après, la situation s’est-elle améliorée ou non ? Par rapport à l’année dernière, le sentiment que j’ai eu c’est que la situation n’a sensiblement pas changé. Il est d’ailleurs trop tôt pour faire une évaluation. Le nouveau Président vient d’être élu, il y a près de trois mois. C’est peu dans la vie d’un mandat politique. Les grandes entreprises françaises ont, néanmoins, conscience que le Président veut modifier les choses, lutter contre la corruption, lutter contre la violence et instaurer un climat de sécurité à la fois physique et économique. Puisque, un des points les plus soulevés, c’est qu’il y a dans un certain nombre de cas, des accords qui sont passés, mais qui ne sont pas respectés. En matière juridique et fiscale, c’est évidemment, une mauvaise chose. Donc, espérons que cela va changer. Qu’attendent-ils de l’État, notamment, à court terme ? La première chose c’est la sécurité physique. C’est certainement la première revendication qui pourra être atteinte assez rapidement. Comme vous l’aviez laissé entendre, les relations entre Madagascar et la France se sont-elles réchauffées après l’élection du président Rajoelina ? Tout à fait. Vous avez employé le mot juste, celui de réchauffement des relations qui ne se sont pas suffisamment développées, à la fois pendant la Transition et puis, même durant la présidence qui a suivi. Donc, on rentre dans une nouvelle phase. Je crois que votre Président veut le faire, notre Président, également. Nous sommes actifs en Afrique, mais il ne faut pas être actif que dans le Sahel pour les questions de sécurité. Nous devons aussi nous tourner vers d’autres pays, ceux de l’Est africain, les pays anglophones également, dont Madagascar qui a des liens anciens avec la France. Tout cela se met en place et je pense que nous verrons de belles réalisations dans les mois qui viennent. Quelles pourraient être les raisons de ce développement timide des relations entre nos deux pays ces dernières années ? Je pense qu’il n’y avait pas eu une demande forte du côté malgache. C’est un couple, il faut qu’il y ait de l’appétence mutuelle. Ce n’était sans doute pas le cas. Il n’y avait pas eu de rupture, il n’y avait pas eu de crise, mais peu de choses se faisaient. On aurait pu en faire beaucoup plus. Là ça va en matière de coopération. Nous avons l’AFD qui se positionne en matière de financement de toute une série de projets. Il y a tout un tas de possibilités. Ils sont prêts à démarrer. L’escale d’un des bâtiments de la mission Jeanne d’Arc, à Antsiranana, actuellement, entre-t-il dans le cadre de cette nouvelle dynamique de coopération, notamment, sur le plan militaire ? Certainement. Les visites des navires de guerre, pas seulement français, constituent toujours des actes de diplomatie. Elles veulent dire quelque chose. Ce n’est pas une simple escale technique. Une réception aura lieu sur le bateau avec la présence des autorités malgaches et de la représentation diplomatique française. Tout cela est un message disant que nous sommes prêts et désireux de coopérer davantage avec Madagascar, y compris dans le domaine de la défense. En particulier, c’est une demande du président Rajoelina, pour renforcer la surveillance des eaux territoriales de la zone économique qu’il y a autour de l’île. Cette coopération en matière de défense maritime pourrait-elle être une étape dans les négociations sur une probable cogestion, voire rétrocession des îles éparses ? Il ne faudrait pas aller vite en besogne. La cogestion des îles éparses, je ne sais pas si c’est à l’ordre du jour. Nous avions un accord avec l’île Maurice, pour une gestion en commun des ressources Tromelin. Cet accord n’est pas passé au Parlement français. Donc, pour l’instant la situation de Tromelin reste sous la gestion française et je pense que, pour le moment, ça ne donne pas un précédent sur les îles éparses. La visite prochaine du ministre des Affaires étrangères français dans la Grande île est-elle déjà confirmée ? Tout le monde en parle, mais je ne peux ni affirmer ni confirmer puisqu’il n’y a pas d’information précise. J’espère que cela va se faire, je suis certain que cela va se faire, mais je n’ai pas de certitude sur quand cela va se faire. Propos recueillis par Garry Fabrice Ranaivoson
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