Guerre en Ukraine - La souveraineté nationale compromise


Dans une « démarche conjointe », hier, des membres de la communauté internationale « ordonnent » aux autorités de condamner les actions russes en Ukraine. Madagascar doit être libre de sa décision. Acculer Madagas­car. De prime abord, telle est la portée du communiqué de presse floqué de la bannière de l’Union européenne (UE), publié, hier. La missive rapporte une démarche conjointe de la communauté internationale à Madagascar sur l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. La démarche conjointe présentée à Patrick Rajoelina, ministre des Affaires étrangères, est frontale. Sans ambages, elle demande à Madagascar de prendre position dans le conflit et de condamner publiquement, les actions de Russie. D’entrée, le communiqué souligne qu’outre la délégation de l’UE, l’Allemagne, la Répu­blique de Corée, les États-Unis, la France, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni sont les parties à cette initiative. Il ajoute que la Turquie soutient, également, la démarche. Les parties à cette démarche conjointe, par ailleurs, attendent que Madagascar confirme sa prise de position en soutenant une proposition de résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, condamnant les actions russes. Un acte qui, sauf changement, sera soumis au vote demain. Jusqu’ici, la Grande île ne s’est pas prononcée sur ce conflit. Il a d’autres priorités, notamment, la reconstruction des dégâts cyclo­niques. Une grande partie de l’opinion publique nationale estime, d’autant plus, qu’il n’y a pas lieu de prendre position car, cette guerre ne nous concerne pas. À la lecture de la missive, la démarche conjointe ne semble pas laisser le choix à la Grande île. Outre le fait de citer explicitement qu’une bonne partie des principaux partenaires du pays y adhère, le communiqué ajoute, dans le siècle présent, ne pas agir pour signaler une telle violence reviendrait à l’accepter et à tolérer un acte similaire dans n’importe quel pays dans le monde (...) les partenaires internationaux partageant les mêmes valeurs et principes présentent un front uni dans les efforts sans précédent qu'ils déploient pour trouver une solution diplomatique à la crise sécuritaire provoquée par la Russie. Le respect du droit international, de la Charte des Nations Unies, de l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine, est mis en avant pour motiver la démarche conjointe. Seulement, en plaçant dos au mur la Grande île, ses initiateurs tendent à annihiler son droit souverain de décider librement de sa politique internationale et sa position face aux faits internationaux. "Sur ce sujet, Sergiusz Wolski, chargé d’affaires par intérim de la délégation de l’UE réplique, nous respectons pleinement la souveraineté de Madagascar, y compris en ce qui concerne sa position sur les affaires internationales." Non alignement Le diplomate ajoute, cependant, au même temps, nous pensons qu'aucun pays ne devrait rester neutre face à la violation du droit international, à l'utilisation de la force dans les relations internationales, à la mort de milliers d'innocents. Rester neutre sur cette question favorisera toujours, de facto, l’agresseur, au détriment de la victime. Seulement, à Madagascar des questions s’imposent. Qu’avons-nous à gagner ou à perdre à prendre position? Est-ce que ça vaut vraiment le coup?. Il y a les enjeux économiques, certes. Mais il faut aussi tenir compte de la dimension sécuritaire. Le fait que l’Ukraine soit laissée sur le champ de bataille par ses alliés n’encourage à prendre partie, pour un pays insulaire tel que Madagascar. Rien ne garantit que les initiateurs de la démarche conjointe assurent la sécurité de Mada­gascar, le cas échéant. La Grande île, d’autant plus, est prise entre deux feux diplomatiques. Immédiatement après la publication du communiqué annonçant l’action conjointe, Andrey Andreev, ambassadeur russe, a rencontré Patrick Rajoelina. « J’ai attiré l’attention sur l’inconsistance de la campagne anti-russe des pays occidentaux sur la situation en Ukraine. J’ai donné des explications détaillées sur les raisons pour lesquelles la Russie a mené une opération militaire spéciale pour protéger la République populaire de Donbass et la République populaire de Lougansk », soutient le diplomate russe sur la page Facebook de son ambassade. Dans la mêlée, des voix rappellent que l’une des doctrines sur lesquelles la politique internationale malgache est basée est le non alignement. Le silence des autorités malgaches sur le conflit en Europe de l’Est pourrait être une manière d’affirmer cette posture de non aligné. D’autres analystes ajoutent que dans les relations internationales les intérêts sont à géométrie variable. Effectivement, pareille mobilisation internationale est rare au sujet d’autres conflits. Les États occidentaux sont peu regardant sur les questions de droit international, de charte des Nations Unies, ou encore, de souveraineté et indépendance lorsqu’il y va de leurs intérêts. Dans la liste des parties à la démarche conjointe d’hier, quelques-uns ont, à maintes reprises, mené des incursions armées sur le territoire d’autrui comme le fait la Russie actuellement. L’inté­grité territoriale d’un Etat est un point important du droit international, justement. Selon des indiscrétions, certains de ces pays se sont abstenus ou ont voté contre la rétrocession des îles éparses à Madagascar, et maintiennent leur position, jusqu’à aujourd’hui. Pour une partie des observateurs et de l’opinion, le conflit en Ukraine met en lumière ces intérêts à géométrie variable. En réponse à la pression du front occidental et que s’il faut nécessairement prendre position, des analystes suggèrent de mettre dans la balance la question des îles éparses. Le respect du droit international, de la souveraineté et de l'intégrité du territoire d’un Etat, oui, mais que le principe soit appliqué à tous, respecté par tous et partout.
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