Voyage d’Européens au pays des Bezanozano


Dans le Grand Dictionnaire de Madagascar de Barthélémy Huet de Froberville, on remarque à la lettre B, le terme Bezounzoun pour Bezanozano, peuple habitant les plaines d’Ankay. D’après Fressanges, y lit-on, quand le voyageur arrive au sommet des montagnes, frontière avec le pays des Betanimena, il est surpris de voir à ses pieds des terres bien cultivées et arrosées d’un grand nombre de ruisseaux d’eau vive, et de rencontrer « une réunion d’hommes isolés totalement des autres, vivant en paix, jouissant des douceurs de la vie sans en craindre les vicissitudes et n’excitant point l’ambition de leurs avantages par leurs avantages réels ». Par contre, Dumaine décrit autrement le pays de l’Ankay. « L’aspect du pays d’Ancaïe, ou du moins de cette partie de la province, n’est point beau. Notre sortie du bois nous laissa voir des collines et des montagnes pelées ou couvertes de squine. Elles sont, en général, moins élevées que celles du Banivoule, mais leurs formes hachées et irrégulières annoncent que cette partie de Madagascar a éprouvé de violentes commotions. » En fait, les Bezanozano ne vivent pas isolés car leur contrée est traversée par le plus court chemin qui mène du Nord-Est à l’intérieur de la Grande ile. Il est vrai, cependant, qu’ils vivent en paix parce qu’ils sont sans ambition, contents de ce qu’ils possèdent et qu’ils savent se faire craindre de leurs voisins. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils sont à l’abri des aléas de la vie. D’après Froberville, trente ou quarante ans plus tôt, le pays est à deux doigts de sa perte à cause d’une insurrection d’esclaves. Ces derniers ne peuvent être soumis que par l’entremise des Français de l’établissement de Foulpointe, conduits par un « homme de génie », Labigorne, « qui en purgea le pays et le rendit à ses anciens maitres ». Décrivant l’aspect physique des Bezanozano, l’auteur du Grand Dictionnaire indique qu’ils ont les traits moins réguliers « que les Betanimena et les Betsimisaraka ». Mayeur, écrit-il, prétend que les Bezanozano tirent leur origine de quelques esclaves hova échappés de chez leurs maitres « parce qu’ils en ont des usages particuliers et qu’ils prononcent de la même manière certains mots ». Pourtant, rétorque Froberville, « la couleur très variée de la peau, la différence dans la chevelure, les inclinations particulières de ce peuple » donnent à penser que le pays doit sa population à des émigrations issues de nombreuses contrées. En effet, dans cette province, notamment vers l’Ouest, on remarque « un nombre considérable de villages peuplés par des Hoves qui y ont pris refuge en fuyant le despotisme de leurs rois, ont épousé des femmes du pays, et maintenant sont considérés comme Bezounzouns. Les variétés qui se remarquent dans l’espèce, peuvent être en partie attribuées à ces mélanges. » Il cite, en exemple, l’autochtone à cheveux courts et frisés comme le Bezanozano original et celui à cheveux mous et longs comme un Hova. Fressanges le confirme en comparant les caractéristiques merina aux autres peuples des côtes qu’il a rencontrés. « Presque tous ceux que je viens de citer sont de beaux hommes. Mais ici la différence est grande. Ils ont les cheveux plats, les traits malais. Ils sont d’une couleur basanée et d’une petite stature. Ils diffèrent aussi beaucoup des autres par leur langage. Je n’examinerai point s’ils descendent des Arabes. Cette conjecture est sans fondement. Le fait est qu’ils ne leur ressemblent en rien, tandis qu’ils ont des rapports avec les Malais. Les Arabes ont un grand respect pour la barbe, et eux, ils se l’arrachent. Les Malais font consister la beauté à avoir des dents très noires, ceux-ci ont la même coutume. Ils s’allongent les oreilles et les percent de grands trous comme les Malais. Ils sont fourbes et perfides comme eux. Leur habillement est à peu près le même. Plusieurs mots de leur langue ont la même signification et la même prononciation qu’en anglais… » La province d’Ankay, poursuit Fressanges, s’étend des hauteurs de Beforona jusqu’au Mangoro qui baigne le pied des montagnes d’Ankova. Entre les deux chaines de montagnes se trouve une plaine. « C’est ce qui forme la province. Cette plaine est couverte d’une multitude innombrable de troupeaux », continue-t-il. Et d’ajouter que leurs villages, très nombreux, sont bâtis sur le sommet des montagnes. La nature et la technique en fortifient quelques-uns si bien qu’il est impossible de les prendre par la force des armes. À l’extérieur, en général, ils creusent trois fossés très profonds et très larges et ils en relèvent la terre en forme de parapet.
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